La détermination du début du mois de Ramadan

Abd al-Haqq Ismaïl Guiderdoni

10-04-2021

Abd al-Haqq Ismaïl Guiderdoni

1. Quand doit-on commencer à jeûner ?

Les sources scripturaires recommandent de commencer à jeûner au début du mois, lors de la vision (ru’yah) du croissant de lune (hilâl).

Coran II, 185 : « Quiconque d’entre vous sera témoin (shahida) du mois (shahr), qu’il le passe en jeûnant. » Hadîth : « Jeûnez à sa vision (c’est-à-dire du hilâl) et rompez le jeûne (à la fin du mois) à sa vision. »

2. Peut-on prévoir avec certitude la vision du croissant de lune ?

Le croissant se forme peu de temps après la nouvelle lune (NL), qui est le moment où nous ne voyons que la face de la lune non éclairée par le soleil. La NL est prévisible par calcul. Le croissant se forme de 15 à 20 heures après cette NL, mais il apparaît d’abord de façon partielle à cause des irrégularités à la surface de la lune (montagnes). Ce moment est difficile à prévoir avec exactitude. En revanche, on sait par d’innombrables observations, qu’il est très difficile, sinon impossible, de voir le croissant moins de 15 heures après la nouvelle lune, et qu’il faut en général attendre au moins 20 heures après la NL. Donc on peut prévoir quand le croissant devient « visible » là aussi par le calcul.

Mais il existe trois options :

  1. On décide de déclencher le mois dès que le croissant est potentiellement « visible » (même si personne ne le voit). Cela permet une prévision parfaite du calendrier lunaire islamique. On interprète ainsi la vision (ru’yah) comme une vision « par la pensée ».
  2. On refuse toute prévision par le calcul et on attend une vision oculaire. Le problème est : Est-on bien sûr d’avoir vu le hilâl et pas autre chose (un nuage, ou une traînée de jet, par exemple) ?
  3. On attend une vision oculaire mais on accepte la vérification par le calcul, pour être sûr que c’est bien le hilâl qui a été vu.

Les trois options peuvent donner des résultats différents, d’où les désaccords au sein de la ummah. À cela s’ajoute le fait que certains privilégient la vision locale, ou vision du pays (ru’yat-al-bilâd), alors que d’autres voudraient que tous les musulmans du monde jeûnent en même temps, une idée nouvelle née de la globalisation et du développement des moyens de communication.

3. La France doit-elle suivre d’autres pays musulmans ?

La question qui se pose à nous, musulmans de France, c’est de faire un choix qui nous rassemble, et qui est compréhensible par la société française. Car on ne peut pas expliquer que c’est la visibilité du croissant qui conditionne le début du mois, et déclencher le jeûne avant que le croissant ne soit visible, comme c’est arrivé plusieurs fois au cours des vingt dernières années.

4. Si l’astronomie peut nous aider à calculer le début et la fin du mois, elle peut nous aider à établir un calendrier avec des horaires de prières qui ne changeraient pas d’une mosquée à une autre dans une même ville !

J’en viens à la question importante sur les diversités des horaires de prière. Comme pour l’autre question importante concernant le début et la fin du mois, il s’agit là d’un problème mêlant astronomie et fiqh. Pour faire bref :

  1. Si l’obligation de la prière est mentionnée à de nombreuses reprises dans le Coran, le rite lui-même nous a été enseigné par le Prophète (sas). Il y a peu d’indications dans le Coran sur les heures des prières.
  2. Dans le fiqh qui est l’effort de compréhension des sources religieuses du point de vue du droit, il y a des différences sur le moment de la journée où effectuer la prière du ‘açr, entre les Hanafites (1 des quatre écoles juridiques, les 3 autres étant l’école malikite, Hanbalite et Chafi’îte) et les autres. L’heure du ‘açr commence plus tard chez les Hanafites.
  3. Parmi les prières, certaines correspondent à des moments astronomiques très clairement définis : le shurûq (fin du moment du fajr) comme le lever du bord supérieur du soleil, le zhuhr comme le moment où le soleil commence à redescendre (donc quand le bord Est du soleil a passé le méridien, «  plein Sud »), le ‘açr est défini par la hauteur du Soleil sur l’horizon (l’ombre d’un bâton au moment du ‘açr est l’ombre du bâton à midi plus la longueur du bâton, pour tout le monde sauf les Hanafites qui ajoutent deux fois la longueur du bâton à l’ombre du bâton à midi), le maghreb au coucher du bord supérieur du Soleil. Ces horaires là peuvent être calculés avec précision du point de vue astronomique. Les calculs les plus précis impliquent de connaître l’altitude et les conditions atmosphériques du lieu. En général, il y a peu de différences dans ces horaires (au plus 2-3 minutes), sauf cas d’erreur (de calcul ou d’impression).
  4. Pour le début du fajr et le début de ‘isha’, c’est le moment où l’on commence/arrête de distinguer un fil blanc d’un fil noir, donc le moment où l’on sort/entre dans la nuit noire. Un problème complexe, sur lequel les astronomes ont travaillé dès les premiers siècles de l’Hégire. Plus on monte vers le Nord, moins la période de nuit noire est longue en été, jusqu’à disparaître complètement. Il faut donc faire preuve d’ijtihâd pour calculer les horaires, surtout pendant le mois de Ramadan. Là il y a beaucoup de différences entre les horaires selon les 6 méthodes de calcul utilisées (parfois plus de 30 min).

Voilà pourquoi des horaires différents circulent dans la ummah. Il ne faut pas que cela soit un motif de trouble. Si l’on est en groupe ou près d’une Mosquée, il me semble préférable de faire la prière selon les horaires de cette communauté, sans s’offusquer ce ce que d’autres suivent des horaires un peu différents. Ce qui compte est d’abord la niyyah, l’intention, wa-Llâhu a‘lam.

5. Pour en revenir à la vision du croissant de lune, logiquement les pays les plus à l’Est devrait voir le croissant plus tôt que nous, en France ?

Les astronomes disent que la croissant de lune ne peut être observé moins de 15h après la NL. En 2007, la prévision des astronomes était le 13 septembre et non le 12 comme certains le pensaient.

D’où proviendrait la marge d’erreur ? Elle viendrait du fait que des annonces nous parviendraient par la télévision satellitaire que le croissant aurait été vu dans tel ou tel pays à l’Est. Faudrait-il suivre ces annonces ? Les astronomes diraient : cela ne peut être le croissant. Car il faut savoir que plus on va vers l’Est, plus, au moment du coucher, le croissant de lune est jeune, donc peu visible. Être à l’Est n’est pas un atout pour la première vision du croissant, c’est un handicap.

On nous répondrait : « Dieu fait ce qu’il veut, Il peut faire apparaître le croissant n’importe où. » Ce à quoi il faudrait répondre : « Dieu fait ce qu’Il veut, mais Il a choisi de faire tourner les astres selon une sunnah ou ‘âdah, une ‘habitude’ ou régularité’, et même un husbân, un calcul précis’, dont il nous informe dans le Coran (par exemple Sourate ar-rahmân, verset 5 : le Soleil et la Lune se [déplacent] selon un calcul précis.’) » C’est donc une miséricorde (rahmah) divine que les astres suivent un cours régulier, et non aléatoire. wa-Llâhu a‘lam.

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